Vers la fin octobre 2021 le 310 rue de Vaugirard voyait arriver des sœurs dans ses nouveaux bâtiments.
Et, des sœurs aux charismes divers : trois Auxiliatrices, 2 Chanoinesses de saint Augustin Congrégation Notre Dame, 2 Dominicaines CRSD, 2 Xavières et les autres des Dominicaines de la Présentation. Ces 20 sœurs ont pris possession de leur logement et vont vivre en ces lieux dont peut être certaines d’entre nous se souviennent…. Mais tout est différent de ce qui était ou presque.
Vus les changements qui touchent la société comme l’ensemble des Congrégations religieuses, la Province de France, il y a une dizaine d’années, a commencé une réflexion de fond importante sur l’avenir de la présence de la vie religieuse et plus concrètement de notre Congrégation dans la Capitale précisément à partir du patrimoine immobilier. Dans les années précédentes on a dû se séparer de plusieurs établissements et fermer de nombreuses communautés aussi bien dans la banlieue que dans la ville.
La réflexion par ailleurs battait son plein : sans refaire l’histoire l’évolution indique que l’on est passé de lieux de vie et de mission « autonomes », les « œuvres de congrégation », à des manières diversifiées de vivre dans des petites communautés à partir desquelles les sœurs répondaient à des appels missionnaires variés: de l’animation pastorale au travail salarié en passant par l’enseignement ou la santé…Ainsi s’est développé une proximité et une coopération avec d’autres ce qui permet aujourd’hui d’instaurer un vivre en intercongrégation. Un dernier point concerne le vieillissement des sœurs qui doit aussi être pris en compte et qui suscite l’intergénération.
Cela étant, comment donner un avenir à ce site parisien qui avait besoin non seulement d’une rénovation matérielle mais encore d’un élan humain et social ?
Une chose était acquise, on voulait conserver ce site sur Paris, mais si l’on reconstruisait une maison il fallait que la Congrégation avec d’autres acteurs sociaux élabore un projet. C’est ce qui a eu lieu avec « Habitat et Humanisme d’Ile de France » qui partage les mêmes valeurs humaines que nous : ce lieu de vie s’appellerait Maison saint Charles, pour son ancrage dans la vie de ce quartier, et de plus une vie intergénérationnelle pourrait se développer à partir de la diversité de personnes résidentes : dans un habitat partagé avec des jeunes étudiants ou travailleurs, des hôtes de passage et des sœurs d’un âge certain.
Ainsi les sœurs qui vivent aujourd’hui au 310 parisien bénéficient d’un projet qui repose sur des convictions qu’il me semble important de redire :
- Les bâtiments que nous avons reçus en héritage sont précieux pour la mission. Ils ne peuvent garder cette ligne que dans la mesure où l’on accepte de penser avec d’autres, car seule la Congrégation ne peut ni rénover, ni animer un ensemble si important.
- La vie religieuse, du moins en France, garde un sens et un témoignage de vie à la « suite du Christ » au-delà de la particularité des charismes divers. Nous suivons le même Seigneur, nous appartenons à la même Eglise, et l’annonce de l’évangile aux pauvres polarise nos existences…
- Il n’est jamais trop tard pour donner son temps dans un projet qui donne sens au moment de la vie qui nous est accordée. Et il est justement merveilleux que même avancée en âge, l’on puisse se joindre à d’autres pour vivre ainsi.
- La confiance dans le discernement de la Province de France qui a osé entreprendre une rénovation audacieuse et a pensé non seulement à ses propres sœurs mais encore a ouvert à la participation d’autres congrégations à ce projet. Une situation nouvelle qui rapproche et rend solidaire des personnes qui viennent en ce lieu, sans nous déplacer vraiment.
Ceci dit, nous bénéficions de logements neufs, modernes, clairs et adaptés, situés au cœur d’un ensemble d’autres appartements destinés à des familles monoparentales, il y en a 11, à des étudiants ou des jeunes travailleurs à faibles ressources, et enfin des locataires de toutes classes.
Cet environnement humain a un cœur : une chapelle, elle aussi, entièrement renouvelée, pleine de lumière grâce à des vitraux animés de mimosas. C’est un lieu où il fait bon s’arrêter seule, se retrouver avec les autres pour célébrer l’eucharistie ou la Louange des Heures. Les sœurs de la Province présentes à Paris l’ont inaugurée avant même l’ouverture de la maison pour célébrer ensemble la fête de la Présentation de Marie au Temple, petite préface au temps qui vient.
La communauté se situe sur trois niveaux d’habitations, une salle à manger accueille pour les repas préparés pour nous, une salle de communauté qui a trouvé place dans l’ancien chœur de la chapelle, tout à fait accordée à notre nombre avec de confortables sièges et fauteuils. C’est là que nous tenons nos rencontres communautaires et que nous pouvons échanger avec les hôtes qui nous visitent.
Dans ce groupe bariolé, règne, un grand respect mutuel, une bienveillance et un émerveillement pour les parcours individuels quand se partagent des moments de vie qui parfois nous rapprochent ou nous étonnent et où l’on peut pressentir que nos vies consacrées sont dirigées par l’invisible et ce partage ne cesse de donner vie à d’autres. Aucune de nous n’avait imaginé vivre un jour en inter congrégation au milieu des gens de tous âges et de toutes races. Parfois je me dis que j’ai eu à réfléchir sur « l’inter » et maintenant c’est le moment de le vivre et il a un léger gout évangélique. Cette petite expérience pourrait rejoindre quelque part ce que nous propose l’Eglise en mettant en valeur la synodalité, puisque cette communauté cherche, elle aussi, à marcher ensemble et à trouver des pratiques qui manifestent la dynamique portée par recherche commune.
C’est ainsi que la communauté se trouve solidaire de tous ceux et celles qui vivent ou vont vivre là, solidarité qui trouvera dans les temps qui viennent son expression particulière accordée aux personnalités présentes. Le projet social n’a pas encore pris son envol, pour le moment chacun balbutie sans trop savoir ce qui en résultera, c’est une convocation à la patience. L’important étant d’être là simplement !
Alors pour conclure cette brève présentation et tenant compte de deux mois d’existence en ce lieu, on peut se risquer avec modestie à dire ceci : dans ce monde bien compliqué, nous, les sœurs résidentes, sommes impliquées pour participer à l’esprit du projetdésirant de tout notre cœur être une présence chaleureuse de proximité et de paix au cœur de la Maison saint Charles.
Février 2022
Sr Monique Colrat op